• Suite de la correspondance de la famille de Condé de 100 à 115.

      100. Récit de Borgh. (Emigrés)14 février 1811.
    « Je vais consigner ici les douloureux détails... qui m'ont été à New York, dans le courant de l'année 1809, par le général Moreau, en même temps qu'ils m'y furent aussi confirmés par monsieur Hyde Neuville. Prisonnier au Temple, le général Moreau y obtint ces détails de l'un des gendarmes qui, peu de jours après la consommation du crime, se trouvait de garde auprès de lui... »
    « Commandé de service extraordinaire au château de Vincennes, ainsi que plusieurs de mes camarades, je ne savais nullement, ni eux non plus, de quoi il était question. Vers les onze heures du soir, nous apprîmes, mais confusément, que le duc d'Enghien, convaincu d'avoir voulu faire assassiner Bonaparte, incendier Paris, etc., était dans le château pour y être jugé cette nuit même. À une heure du matin, seize d'entre nous, du nombre duquel j'étais, reçûmes ordre de prendre et charger nos armes. On nous fit ensuite descendre dans les fossés du château, en observant le plus grand silence, et sans nous informer de ce que l'on se proposait. Arrivés à trois ou quatre pas du premier angle, on nous fit faire halte, l'arme au pied. La nuit était froide, pluvieuse et très obscure. Au bout d'une grosse demi-heure de silence et d'immobilité, que tout nous fit paraître plus longue, on nous dit enfin qu'un conspirateur, bien convaincu d'avoir voulu tout bouleverser et replonger la France dans les horreurs des derniers temps de Robespierre, et très justement condamné à mort, allait être amené sous peu d'instant vis-à-vis de nous, à la distance de quatre ou cinq pas ; que le signal de le fusilier serait donné par un officier faisant face au criminel, et que ce signal serait 1° de porter la main à son chapeau ; 2° de se découvrir la tête. On nous recommanda de nouveau de ne pas bouger, d'observer constamment le plus grand silence et de n'avoir d'yeux que pour le signal et le criminel, etc. Quelques-uns observèrent que l'obscurité de la nuit ne permettait pas que l'on vît à un pas devant soi : on leur répondit qu'il y serait prévu lorsqu'il en serait temps ; qu'eux ne seraient pas vus, mais qu'ils verraient très bien. Chacun se tut, et le plus morne silence succéda. »
    « Vers les deux heures du matin, nous entendîmes marcher vers nous et confusément ; à un signal convenu d'avance, séparés en deux parties de huit hommes chaque, nous nous préparâmes. Bientôt, à la faible lueur d'une sorte de lanterne sourde, à demi ouverte, que portait un adjudant général dépasser l'angle du mur d'environ sept ou huit pas, suivi à peu près à la même distance par un homme (c'était le malheureux prince), qu'on fit arrêter précisément vis-à-vis de nous, à cinq pas tout au plus. L'adjudant général tenait sa lanterne de manière qu'on ne pouvait effectivement pas nous voir, quoique nous vissions distinctement, non seulement les deux personnes déjà nommées, mais encore quelques autres (principalement gendarmes), qui fermaient la marche et ne tardèrent pas  à  se retirer de quelques pas, aussitôt que le prince se fut arrêté. Alors aussi nous observâmes qu'un trou, fraîchement fouillé, se trouvait entre le prince et nous (il ne pouvait pas non plus le voir). L'adjudant général, s'étant arrêté, se retourna pour faire face au prince, ouvrit son manteau, et s'éclairant de sa lanterne, lut l'acte d'accusation et la sentence. Lorsqu'il eut fini, le prince, qui était debout, demanda qu'il lui fût accordé de voir Bonaparte et de lui parler. L'adjudant général, sans dureté dans ses expressions ou dans le son de sa voix, répondit que cela ne se pouvait pas. Le prince demanda qu'il lui fût au moins permis d'écrire à Bonaparte. Cette seconde demande fut refusée de même que la première. Alors l'illustre victime exprima le désir qu'on lui accordât un ecclésiastique pour lui administrer les secours de la religion, témoignant en même temps quelque confiance qu'une demande si juste ne pouvait lui être refusée, observant d'ailleurs qu'une ou deux heures suffiraient. L'adjudant général, paraissant ému ou humilié, lui répondit d'une voix faible et altérée, qu'il était peiné de devoir refuser même cette dernière demande, mais que ses ordres étaient positifs. Alors monseigneur le duc d'Enghien, levant les yeux vers le ciel et s'élevant la voix, s'écria :
    « Combien il est affreux de périr ainsi de la main des Français !
    En ce moment, l'adjudant général portant vivement la main à son chapeau, comme s'il eût craint ce que pourrait ajouter le prince, et se découvrant aussitôt, huit gendarmes firent feu. Le prince tomba mort et fut aussitôt mis, tout habillé, dans la fosse qui lui avait été préparée. L'adjudant général ne se retira qu'après l'avoir fait combler... »

    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Lettre annonçant l'envoie des premiers papiers confisqués à Ettenheim par le général Ordener. Ainsi que la lettre du Premier Consul attestant de la réception de la correspondance du prince.

    <o:p>  </o:p>101. Ordener au Premier Consul.15 mars 1804.
    « J'ai l'honneur de vous adresser, mon général, le procès-verbal, et les papiers qui ont été saisis chez le duc d'Enghien. À mesure que ceux des autres individus seront vérifiés, le général Caulaincourt vous les fera passer. Quoique ma mission soit remplie, j'attendrai vos ordres pour mon retour à Paris. »
     
    *Bizarrement le rapport de l'enlèvement rédigé par Ordener n'a pas été retrouvé. L'existence de cette pièce a été attestée plus tard par le fils du général, qui accompagnait son père à Ettenheim et même pénétra dans la maison du duc. Et apparemment l'envoient des papiers du duc d'Enghien n'eurent pas lieu ce 15 mars, mais un peu plus tard.

    <o:p>  </o:p>102. Le Premier Consul à Réal.19 avril 1804.
    « Citoyen Réal, conseiller d'État, je vous envoie les papiers du duc d'Enghien. J'ai gardé le paquet de sa correspondance avec le comte de Lille, qui ne contient rien d'important que deux lettres de bonne année, et une relative aux prétendues propositions qui leur ont été faites par la Prusse pour qu'ils renoncent à leurs droits au trône.
    Il est question, dans le procès-verbal, d'un portefeuille rouge où il y aurait des lettres de la duchesse de Bourbon, sa mère. « Ce portefeuille ne m'a pas été envoyé. »
    Je vous transmets aussi un rapport de Freiburg, que Caulaincourt m'envoie.
    Je désire deux choses : la première, que vous fassiez mettre dans tous les journaux un article qui fasse connaître que l'Angleterre, au moment où elle envoyait Georges sur nos côtes, prenait à  soldes tous les émigrés qui se trouvaient en Allemagne ; la deuxième, que vous envoyiez deux agents adroits, l'un à Munich, l'autre à Freiburg, qui prendraient les noms de tous les émigrés qui s'y trouvent, avec leur âge et le département dont ils sont, afin que ces notes puissent nous servir à arrêter enfin notre liste d'émigrés.
    Je vous envoie aussi une note relative à un employé de la poste qui a été arrêté, et une autre relative à un passage d'un journal qui s'imprime à Weissemburg et qu'il faut faire supprimer...
    Enfin je vous prie de consulter Méhée sur notre agent près l'électeur de Baden, nommé Massias, pour savoir s'il est ou non marié, et quelles sont les preuves de suspicion contre lui....... »
    <o:p> </o:p>*C'est vers dix heures du matin, le 19 mars, que le Premier Consul a reçu à la Malmaison un troisième courrier, probablement Dufour, envoyé de Strasbourg le 17, à trois heures et demie de l'après-midi. Ce courrier apportait :
    1° Les papiers du duc, divisés en liasses et accompagnés d'un procès-verbal, remis au général Ordener.
    2° Une correspondance de monsieur de Caulaincourt, contenant notamment des plaintes contre l'esprit jacobin du journal et de deux magistrats de Weissenburg, un rapport sur les émigrés de Freiburg, le conseil d'envoyer promptement à Paris les prisonniers, quelques renseignements sur le général Desnoyers.
    3° Le rapport de monsieur de Berckheim sur sa mission à Karlsruhe le 16 mars, et la dépêche de monsieur Massias du 15-16 mars.

    <o:p> </o:p>Les départs des courriers pour Paris :
    Le courrier Amadour-Clermont a été dépêché de Strasbourg le 15 mars, à neuf heures et demie du soir. Il est arrivé le 17 mars à Paris. (Archive Nationale) Ce courrier emportait les rapports des deux généraux sur les enlèvements et une demande d'instructions. Il emportait aussi la nouvelle de l'arrestation du général Desnoyer.

    <o:p>  </o:p>103. Popp à Réal.19 mars 1804.
    « J'ai l'honneur de vous rendre compte, qu'en vertu des ordres du gouvernement, transmis par le général de brigade Ordener, commandant les grenadiers à cheval de la garde du gouvernement, j'ai été chargé par le conseiller d'État préfet, d'examiner, conjointement avec le chef du 38° escadron de gendarmerie nationale, les papiers saisis sur le duc d'Enghien, à l'époque de sa translation d'Ettenheim sur la rive gauche du Rhin. Nous avons procédé à cette opération avant-hier soir et hier matin ; les papiers que nous avons joints à notre procès-verbal ont été remis sur le champ au général Ordener, et par lui adressés au Premier Consul par un courrier extraordinaire, parti hier à trois heurs de l'après-dîner.
    Nous allons continuer la vérification des papiers de toutes les autres personnes déposées à la citadelle. Ces opérations nous laissent à peine quelques moments pour la correspondance la plus essentielle. Nous saisirons le premier moment opportun, le chef d'escadron Charlot et moi, pour coucher par écrit la relation des deux entrevues que nous avons eues avec le duc : peut-être ne vous paraîtra-t-elle pas sans quelque intérêt.
    Je dois à la justice, citoyen conseiller d'État, de vous parler ici du chef d'escadron Charlot. Dans le compte qu'il a rendu au général Moncey de l'expédition d'Ettenheim, il a demandé un avancement promis depuis longtemps et bien dû au brave Pfersdorf, maréchal des logis de la gendarmerie ; mais sa modestie l'a empêché de parler des excellentes dispositions que lui (le citoyen Charlot) a faite, du sang-froid et de l'énergie qu'il a mis dans cette importante circonstance, et des dangers imminents qu'il a courus, au moment où il a sommé le duc et les siens de se rendre et que celui-ci l'a couché en joue. Témoin du récit que le duc en a fait lui-même, et des regrets qu'il paraît éprouver de ne pas avoir tué le citoyen Charlot, je dois cet hommage à la vérité et aux principes du gouvernement de récompenser ceux qui en ont bien mérité. Sous ces rapports, le chef d'escadron Charlot, déjà si recommandable par ses services antérieurs, est digne de fixer les regards du gouvernement. Pardonnez, citoyen conseiller d'État, cette digression que m'arrache mon amour pour la vérité et mon respect pour le gouvernement. »
    <o:p> </o:p>* Cette lettre est datée du 19 mars : elle a cependant été écrite la veille, puisque Popp dit que l'examen des papiers du duc a été fait « avant-hier soir et hier matin », c'est-à-dire les 16 et 17 mars.

    <o:p>  </o:p>104. Le Premier Consul à Réal.22 mars 1804.
    « Citoyen Réal, conseiller d'État, vous trouverez ci-joint un portefeuille rouge du duc d'Enghien, contenant les lettres de change ci-après :
    Une lettre de change de 2000 ducats ;
    Une de 7,150 florins d'Empire ;
    Une de 500 louis ;
    Une de 3,850 florins d'Empire ;
    Une de 100 louis ; Une de 300 louis ;
    Ci-joint également deux notes qui y sont relatives.

    <o:p> </o:p>Lettre du duc d'Enghien à la princesse Charlotte.

    <o:p>  </o:p>105. Enghien à Charlotte de Rohan.16 mars 1804.
    « On me promet que cette lettre vous sera exactement remise ; ce n'est qu'en ce moment que j'ai pu obtenir de vous rassurer sur mon sort présent, et je ne perds pas un instant pour le faire, vous priant de rassurer aussi tous ceux qui me sont attachés dans les environs. Toute ma crainte est que cette lettre ne vous trouve plus à Ettenheim, et que vous ne soyez en marche pour venir ici ; le bonheur que j'aurais de vous voir n'égalerait pas à beaucoup près la crainte que j'aurais de vous faire partager mon sort. Conservez-moi votre amitié, votre intérêt ; il peut m'être utile, car vous pouvez intéresser à mon malheur des personnes de poids. J'ai déjà pensé que peut-être vous étiez partie. Vous avez su, par le bon baron d'Ischtrazheim, la manière dont j'ai été enlevé, et vous avez pu juger, à la quantité de monde que l'on avait employé, que toute résistance eût été inutile ; on ne peut rien contre la force. J'ai été conduit par Rheinau et la route du Rhin. On me témoigne égards et politesse ; je puis dire qu'à la liberté près, car je ne puis sortir de ma chambre, je suis aussi bien que possible ; tous ces messieurs ont couché avec moi parce que j'ai désiré ; nous occupons une partie de l'appartement du commandant, et l'on m'en fait préparer un autre dans lequel j'entrerai ce matin et où je serai encore mieux. On doit examiner les papiers que l'on m'a pris, et qui ont été cachetés sur le champ avec mon cachet, ce matin, en ma présence. D'après ce que j'ai vu, on trouvera des lettres de mes parents, du Roi, et quelques copies des miennes.  Tout cela, comme vous le savez bien, ne peut me compromettre en rien de plus que mon nom et ma façon de penser ne l'ont pu faire pendant le cours de la Révolution. Je crois que l'on enverra tout cela à Paris, et l'on m'a assuré que, d'après ce que je disais, on pensait que je serais libre sous peu de temps. Dieu le veuille ! On cherchait Dumouriez, qui devait être dans nos environs ; on croyait apparemment que nous avions eu des conférences ensemble, et apparemment il est impliqué dans la conjuration contre la vie du Premier Consul. Mon ignorance de tout cela me fait espérer que je pourrai obtenir ma liberté ; mais cependant, ne nous flattons pas encore. Si quelques-uns de ces messieurs sont libres avant moi, j'aurai un bien grand bonheur à vous les renvoyer, en attendant le plus grand. L'attachement de mes gens me tire à chaque instant des larmes des yeux : ils pouvaient s'échapper, on ne les forçait point à me suivre ; ils l'ont voulu. J'ai Féron, Joseph et Poulin ; le bon Mohilof ne m'a pas quitté d'un pas. Je n'ai encore vu ce matin que le commandant, homme qui me paraît honnête et charitable, en même temps que strict à remplir ses devoirs. J'attends le colonel de la gendarmerie qui m'a arrêté et qui doit ouvrir mes papiers devant moi. Je vous prie de faire veiller le baron à la conversation de mes effets ; si je dois demeurer plus longtemps, j'en ferai venir plus que je n'en ai ; j'espère que les hôtes de ces messieurs auront soin aussi de leurs effets. Le pauvre abbé Weinborn et Michel sont de notre conscription et ont fait route avec nous. Mes tendres hommages à votre père, je vous prie ; si j'obtiens un de ces jours d'envoyer un de mes gens, ce que je désire beaucoup et ce que je solliciterai, il vous fera tous les détails de notre triste position. Il faut espérer et attendre. Vous, si vous êtes assez bonne pour me venir voir, ne venez qu'après avoir été, comme vous le disiez, à Carlsruhe. Hélas ! Outre toutes vos affaires et les longueurs insupportables qu'elles entraînent, vous aurez à présent à parler aussi des miennes ; l'électeur y aura sans doute pris intérêt ; mais pour cela, je vous en prie en grâce, ne négligez pas les vôtres.
    Adieu, princesse, vous connaissez depuis bien longtemps mon tendre et sincère attachement pour vous : libre ou prisonnier, il sera toujours le même.
    Avez-vous mandé notre désastre à madame d'Ecquevilly ? »

    <o:p> </o:p>Interrogatoire :

     106. Interrogatoire de Vaudricourt.23 avril 1804.
    « Connaissez-vous le jeune homme que vous avez vu tel jour, à telle heure, en tel endroit ? Ce jeune homme a fait une fois un voyage : savez-vous qui il a été voir près de Thionville ? Connaissez-vous Vellecourt ? Avez-vous connaissance que ce jeune homme ait été ou dû aller à Vienne ou à Varsovie ? Pourquoi lui avez-vous remis des lettres ? Par quel autre moyen avez-vous reçu des correspondances de Clery et d'autres individus ? (Vous avez reçu de Clery un billet de la part du prétendant, dans lequel on vous dit que vous pourrez vous entendre avec un homme qui à toute confiance du comte de Lille).Connaissez-vous le duc d'Enghien ? (Vous êtes-vous vanté d'avoir été son mentor ? Qui connaissez-vous auprès de lui ?
    Qu'est venu faire chez vous, tels et tels jours, un homme... en demander le signalement à Fouché. Connaissez-vous... l'agent dont Maret donnera le nom ? Qu'y avez-vous été faire, tels et tels jours ? (Dans la première conférence, aux premiers jours de nïvôse, on lui a demandé avec quels hommes puissants d'autres hommes puissants pourraient traiter. Il a indiqué monsieur de la Rochefoucauld.) Connaissez-vous monsieur de la Rochefoucauld ? Qu'est venu y faire un tel, tels et tels jours, avec tels et tels agents ?
    Connaissez-vous le comte de Laval ? Où l'avez-vous vu la dernière fois ? Connaissez-vous monsieur de Virieu ? Quel discours avez-vous tenu à monsieur de Septeuil, ou tout autre membre... ce doit être le beau-frère de Damas. Fouché doit le savoir : il a été noté ; c'est celui du quai Voltaire.
    Quel jour a-t-il répondu ?
    Connaissez-vous madame Barbazan ? Combien de fois l'avez-vous vue ? De quoi traitiez-vous ?  Ne lui avez-vous pas remis une lettre ?........ »

    <o:p> </o:p>Cette lettre prouve que la sentence était déjà connue. (Seul prince proche de la France).

    <o:p>  </o:p>107. Le Premier Consul à Murat.19 mars 1804.
    « Citoyen général Murat, j'ai reçu votre lettre. Si le duc de Berry était à Paris logé chez monsieur de Conbenzl, et monsieur d'Orléans logé chez le marquis de Gallo, non seulement je les ferais arrêter cette nuit et fusiller, mais je ferais aussi arrêter les ambassadeurs et leur ferais subir le même sort, et le droit des gens ne serait en rien compromis. Mais, comme il est de toute impossibilité que ces ministres, sous peine de risquer leur tête, se fussent portés à une démarche aussi insensée, et comme, bien loin d'autoriser cette conduite, le cabinet de Vienne ne veut autoriser le séjour d'aucun prince français à Vienne, je ne veux faire aucune perquisition chez eux. Vous ferez bien de faire arrêter celui qui vous a donné cet avis, qui ne peut être qu'un misérable. Tout le monde sait, hormis les badauds, que les maisons des ambassadeurs ne sont point des asiles pour les crimes d'Etat. Ne vous laissez donc pas amuser par de pareilles folies. Rejetez cela bien loin, et ne souffrez pas que devant vous on dise cela. Quand à la seconde partie, le prince Charles, vous sentez vous-même combien cela est horriblement absurde. Le prince Charles est un homme brave et loyal, auquel je suis particulièrement attaché, et Coblenzl et Gallo sont des hommes qui, bien loin de cacher des individus qui conspiraient contre moi, seraient les premiers à m'en donner avis. 
    Mon intention n'est pas même qu'il y ait aucune surveillance extraordinaire autour de leurs maisons.
    Il n'y a pas d'autre prince à Paris que le duc d'Enghien, qui arrivera demain à Vincennes. Soyez certain de cela, et ne souffrez même pas qu'on vous dise le contraire. »

    <o:p> </o:p>Les ordres pour l'exécution de la sentence.
                                                              
      108. Réal à Murat.20 mars 1804, à 4 heures du soir
    « Général, d'après les ordres du Premier Consul, le duc d'Enghien doit être conduit au château de Vincennes où les dispositions sont faites pour le recevoir. Il arrivera probablement cette nuit à cette destination. Je vous prie de faire les dispositions qu'exige la sûreté de ce détenu, tant à Vincennes que sur la route de Meaux, par laquelle il vient. Le Premier Consul a ordonné que le nom de ce détenu et tout ce qui lui serait relatif fût tenu très secret. En conséquence, l'officier chargé de sa garde ne doit le faire connaître à qui que ce soit : il voyage sous le nom de Plessis. Je vous invite à donner, de votre côté, les instructions nécessaires pour que les intentions du Premier Consul soient remplies. »

    <o:p>  </o:p>109. Réal à Harel.20 mars 1804, à 4 heures et demie.
    « Un individu dont le nom ne doit pas être connu, citoyen commandant, doit être conduit dans le château dont le commandement vous est confié : vous le placerez dans l'endroit qui est vacant, en prenant les précautions convenables pour sa sûreté. L'intention du gouvernement est que tout ce qui lui sera relatif soit tenu très secret, et qu'il ne lui soit fait aucune question sur ce qu'il est, et sur les motifs de sa détention. Vous-même devrez ignorer qui il est. Vous seul devrez communiquer avec lui, et vous ne le laisserez voir à qui que ce soit, jusqu'à nouvel ordre de ma part. Il est probable qu'il arrivera cette nuit. Le Premier Consul compte, citoyen commandant, sur votre discrétion et votre exactitude à remplir ces différentes dispositions. »

    <o:p>  </o:p>110. Le Premier Consul à Réal.20 mars 1804.
    « Je vous envoie la lettre de Caulaincourt. Il paraît que le duc d'Enghien est parti le 26 (17 mars) à minuit. Ainsi, il ne peut tarder à arriver. Je viens de prendre l'arrêté dont vous trouverez ci-joint copie. Rendez-vous sur le champ à Vincennes pour faire interroger le prisonnier.
    Voici l'interrogatoire que vous ferez :
    1° Avez-vous porté les armes contre votre patrie ?
    2° Avez-vous été à la solde de l'Angleterre ?
    3° Avez-vous voulu offrir vos services à l'Angleterre pour combattre contre l'armée qui marchait sous les ordres du général Mortier pour conquérir le Hanovre ?
    4° N'avez-vous pas eu des correspondances avec les anglais, et ne vous êtes-vous pas mis à leurs dispositions, depuis la présente guerre, pour toutes les expéditions qu'on voudrait faire contre la France, à l'extérieur ou à l'intérieur ; et n'avez-vous pas oublié tous les sentiments de la nature jusqu'à appeler le peuple français votre plus cruel ennemi ?
    5° N'avez-vous pas proposé de lever une légion et de faire déserter les troupes de la République, en disant que votre séjour pendant deux ans près des frontières, vous avait mis à même d'avoir des intelligences parmi les troupes qui sont sur le Rhin ?
    6° Est-il à votre connaissance que les Anglais ont repris à leur solde et donneront encore des traitements aux émigrés cantonnés à Freiburg, à Offenbach, Offenburg et sur la rive droite du Rhin ?
    7° N'aviez-vous pas des correspondances avec les individus composant ces rassemblements, et n'êtes-vous pas à leur tête ?
    8° Quelles sont les correspondances que vous avez en Alsace ? Quelles sont celles que vous avez à Paris ? Quelles sont celles que vous avez à Breda et dans l'armée de Hollande ?
    9° Avez-vous connaissance du complot tramé par l'Angleterre et tendant au renversement du gouvernement de la République ; et, le complot ayant réussi, ne deviez-vous pas entrer en Alsace et même vous porter à Paris, suivant les circonstances ?
    10° Connaissez-vous un nommé Vaudricourt, qui a été commissaire des guerres et a fait la guerre contre la République ?
    11° Connaissez-vous un nommé la Rochefoucauld, tous deux arrêtés par suite d'une conspiration contre l'État ?
    Il sera nécessaire que vous conduisiez l'accusateur public, qui doit être le major de la gendarmerie d'élite, et que vous l'instruisiez de la suite rapide à donner à la procédure. »

    <o:p>  </o:p>111. Réal à Hulin.21 mars 1804.
    « Général, je vous prie de me transmettre le jugement rendu ce matin contre l'ex-duc d'Enghien, ainsi que les interrogatoires qu'il a prêtés. Je vous serai obligé si vous pouvez le remettre à l'agent qui vous portera ma lettre. »

    <o:p>  </o:p>112. Réal à Hulin.21 mars 1804.
    « Général, j'attends le jugement et les interrogatoires de l'ex-duc d'Enghien pour me rendre à la Malmaison auprès du Premier Consul. Veuillez me faire savoir à quelle heure je pourrai avoir ces pièces. Le porteur de ma lettre pourrait se charger du paquet et attendre qu'il soit prêt, si les expéditions sont avancées. »

    <o:p>  </o:p>113. Hulin à Réal.21 mars 1804.
    « Conformément à vos désirs, je vous fais passer sous ce pli, citoyen d'État, l'expédition du jugement rendu ce matin contre l'ex-duc d'Enghien. »

    <o:p>  </o:p>114. Hulin à Réal.21 mars 1804.
    « J'ai l'honneur de vous adresser, citoyen conseiller d'État, une copie conforme d'une pièce trouvée sur le ci-devant duc d'Enghien. »
    <o:p> </o:p>*Il s'agit de la copie du journal intime du prince.
         
      115. Reçu de Réal.23 mars 1804.
    « Le conseiller d'État, etc. ., À reçu du général de brigade Hulin, commandant les grenadiers à pied de la garde, un petit paquet contenant des cheveux, un anneau d'or et une lettre, ce petit paquet portant la suscription suivante :"
    « Pour être remis à madame la princesse de Rohan, de la part du ci-devant duc d'Enghien. »
    <o:p> </o:p>*Le paquet avait été confié au lieutenant de gendarmerie Noirot, qui avait cru de son devoir de le remettre au président Hulin. Ces reliques ne furent pas envoyées à la princesse Charlotte ; déposées à la préfecture de police, elles y restèrent enfermées dans un carton, qui a disparu sous le second empire.

     

    FIN


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