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Le Trésor du Grand Chapitre de Strasbourg (1583-1592) (Photo cathédrale Strasbourg 2016 / FAGIOLI)
Le Trésor du Grand Chapitre de Strasbourg (1583-1592) (Photo cathédrale Strasbourg 2016 / FAGIOLI)
Le Trésor du Grand Chapitre de Strasbourg (1583-1592) à partir d’inventaires d’archives, de transcriptions de chroniques contemporaines
Dès 1584, les chanoines protestants du Grand Chapitre s’aperçoivent de la disparition de la corne de narval, d’objets d’art et de reliques conservés au siège du Grand Chapitre. Quelques temps après, la même année, l’évêque Jean de Manderscheid, alors domicilié à Saverne, confirme avoir fait mettre à l’abri les objets précieux enlevés du siège du Grand Chapitre, au vu de la période conflictuelle entre les chanoines catholiques et protestants au Bruderhof.
Le 30 septembre 1585, l’évêque Jean, toujours à Saverne, demande au Grand Chapitre de mettre en sûreté les bijoux et objets précieux, puis de le rejoindre. Il savait donc que les chanoines catholiques n’avaient pas pu mettre tout à l’abri... Ainsi, en juillet 1588, les protestants découvrent dans 3 grands sacs de toile, une partie du Trésor du Grand Chapitre (63 objets précieux) dans une cave voûtée du Bruderhof, le siège du Grand Chapitre. Il s’agit donc de ce que les chanoines catholiques n’avaient pu déplacer à un endroit plus sécurisé depuis le début des troubles (1583) et dont parlait l’évêque Jean en septembre 1585. Les protestants espéraient alors encore trouver d’autres trésors, par exemple la corne de narval, d’autres ornements, ou encore de l’argent liquide (pièces de monnaie). Ils cherchent alors dans les moidres recoins et trouvèrent encore dans un meuble en niche, profondément caché dans les murs de la sacristie, 24 (ou 25) précieux calices. Mais toujours pas le moindre argent liquide, ni les autres ornements, et encore moins la corne de narval.
La confession recueillie en 1642 auprès de l’ancien fontainier de Saverne, Jean Koenigolt, est traduite en fin de document. Il s’agit de l’attestation de son confesseur, le frère capucin Cyrille. Dans sa description de la crypte circulaire souterraine à proximité du Haut-Barr (dans le souterrain reliant les châteaux du Haut-Barr et du Grand-Geroldseck), Koenigolt parle de quatre ou cinq meubles en niche encastrés dans la roche, on ne peut s’empêcher de voire une troublante coïncidence avec la découverte faite par les protestants dans les murs de la sacristie (meuble en niche encastré)… Même procédé… Quant à la description de la corne que Koenigolt aurait vue dans la crypte, il décrit plutôt une corne à boire (Trinkhorn) - chère à l’évêque Jean de Manderscheid, créateur d’une Confrérie de la Corne en 1586 - qu’une corne de narval, beaucoup plus fine (et non pas « grosse comme une tête »). Sans doute Koenigolt connaissait-il l’histoire de la corne de ‘licorne’ (de narval) disparue du Trésor du Grand Chapitre vers 1583-84. Cette confusion entre les deux types de corne, semble indiquer que Koenigolt n’avait jamais vu ni l’une, ni l’autre, donc le sourcier n’a pu décrire l’objet si précisément sans l’avoir vraiment vu dans le crypte souterraine… Il n’a sans doute pas pris non plus le risque de se décrédibiliser en donnant une mauvaise description de la corne de ‘licorne’… Comment imaginer aussi qu’un vulgaire verre à boire ait pu être attaché à une corne de licorne, qui était l’objet le plus cher et le plus précieux du Grand Chapitre… Alors qu’une corne à boire, même si d’un certain prix, pouvait servir à des soirées festives pour la dégustation de vins, et justifiait qu’on y adjoigne un verra à boire (Waldglässlein).
Des sources fiables, documents d’archives et chroniques contemporaines, retrouvées indiquent formellement qu’une certaine partie du trésor du Grand Chapitre n’a jamais été retrouvé, notamment l’argent liquide (pièces d’or/d’argent) et des objets précieux comme certains ornements. Jean de Manderscheid, l’évêque lui-même qui a fait reconstruire le Haut-Barr, indique qu’il a mis à l’abri des objets précieux enlevés du Grand Chapitre. Ces objets précieux manquants, tout cet argent, n’ont jamais été retrouvés. Le récit de Koenigolt, qui avait un don de radiesthésie (il était mineur et fontainier) semble crédible : il a vu dans cette crypte une corne à boire (sans doute, une corne de l’évêque Jean, déposée là par lui) qu’il a prit pour une corne de licorne (de narval), y a vu des meubles en niche encastrés (similitude avec le trésor de la sacristie). La crypte est circulaire, comme l’indiquent également les relevés de M. Albert Fagioli, qui a également fait un relevé du réseau souterrain entre le Grand-Geroldseck et le Haut-Barr et entre ce dernier et Saverne (et Haegen). M.Albert Fagioli a également détecté la présence de métaux précieux à proximité du Markfels, à une profondeur de plus de 10 mètres dans une crypte circulaire (similitude avec la description de Koenigolt). On ne peut qu’apporter une forte conviction à la découverte prochaine de la crypte au trésor. Suivent les références.
Fabien FISCHER, D-VOILE Généalogie
Dès 1584, les protestants s’aperçoivent assez rapidement de la disparition de la corne de narval, d’objets d’art et de reliques au Grand Chapitre
AMS - AA 744
1584 (suite).
[…]
Le comte de Solms prie l’évêque Jean de lui faire parvenir sa réponse à une lettre qu’il lui a fait transmettre de la part des comtes de la Wetteravie, et le prévient de la disparition d’une corne de licorne (Einhorn), d’objets d’art et de reliques conservés au grand chapitre.
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L’évêque Jean de Manderscheid, alors domicilié à Saverne, confirme avoir fait mettre à l’abri les objets précieux enlevés du siège du Grand Chapitre
AMS - AA 752 1584
(suite).
[…]
Mémoire par lequel l'évêque Jean se plaint de ne pas avoir reçu de réponse à deux missives adressées par lui au Magistrat, proteste contre les calomnies répandues sur l'usage qu'il fait des objets précieux enlevés du siège du grand chapitre, afin de les mettre en sûreté, s'engage à les restituer dès que les chanoines protestants auront évacué le Bruderhof et ne commettront plus de violences, et demande qu'on exige d'eux une caution pour les dommages qu'ils pourraient causer.
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L’évêque Jean de Manderscheid, alors domicilié à Saverne, demande au Grand Chapitre de mettre en sûreté son trésor puis de le rejoindre
AD67 - G 161
30 septembre 1585 : Copie d’une lettre de l’évêque à son Grand-Chapitre ; il leur conseille de mettre en sûreté leurs bijoux et leurs effets précieux ; puis de se retirer auprès de lui pour aviser les moyens de défense.
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D’après la chronique contemporaine de Specklin (décédé en 1589, donc quelques mois plus tard à peine…) : en juillet 1588, les protestants espéraient encore trouver d’autres trésors, par exemple la corne de narval, d’autres ornements ou encore de l’argent liquide (pièces de monnaie) dans la salle capitulaire du Bruderhof. On peut également relever la cache du meuble en niche dans une cavité en pierre de la sacristie (comme dans le récit de Koenigold dans sa description de la crypte circulaire souterraine)
- Les collectanées de Daniel Specklin, chronique strasbourgeoise du seizième siècle fragments recueillis par Rodolphe Reuss, pages 583-584
2554. (Découverte du trésor du Bruderhof) - feuillet 481, traduction :
"La même année (1588), le 18 juillet, le comte Hermann Adolphe de Solms retourna au Bruderhof. A cet endroit, l'économe avait des perdrix qu'il voulait garder en vie et ne savait pas quoi en faire. Enfin il pensa à un endroit de la cave au milieu de la cour (du Bruderhoff), qui était voûtée et percée d'un trou rond à barreaux. Il monta, écarta de vieilles planches de là, puis il trouva trois grands sacs pleins, les ouvrit, appela les deux Seigneurs de Solms et de Mansfeld et d'autres, qui les ouvrirent. On y trouva des bijoux, des choses saintes, des statues, des calices, des ostensoirs et le meilleur trésor, ainsi qu'un certain nombre de têtes et de coupes en or et en argent, ainsi qu'un grand nombre des meilleurs ornements que les autres Seigneurs avaient pillé de la sacristie de la cathédrale il y a quatre ans. Mais quand ils ont pris possession du Bruderhof, quand ils ont voulu les enlever ce jour-là, ils les ont mis ici dans la précipitation, et c'est surprenant que depuis si longtemps, puisque tout le monde allait et venait, personne ne les ait cherchés ou vus. Le lendemain matin, avec tous les Seigneurs, y compris le Seigneur Ammestre et une partie du Conseil toutes ces choses saintes, bijoux d'argent et d'or, ont fait procession, ont été laissées à regarder toute la journée en public, et tels petits et grands, à voir en public comme souvenir. Ainsi ces objets saints sont-ils retournés à leur ancienne place, exceptée la corne de licorne ; aucun ornement (Ornaten) ni argent liquide (Geld) n'ont été trouvés. Lorsque l'on remarqua qu'ils (les chanoines catholiques) avaient caché une variété de choses, on a alors davantage cherché dans de nombreux autres endroits négligés. Enfin, le 22 juillet, 24 calices ont été retrouvés dans la sacristie, profondément dans les murs, dans un meuble en niche, parmi eux huit entièrement en or et pierres précieuses, également une caisse avec pierres précieuses, que l'on a remis à sa place habituelle. Exc. Sp."
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Quelques détails et précisions sur les objets retrouvés en juillet 1588 dans une chronique et dans les Archives de la Ville de Strasbourg
- Dunzenheimer Chronik (contemporaine également)
Dans « Bulletin de la Société pour la conservation des monuments historiques d'Alsace » (1895) en allemand, dont voici la traduction :
« Dans la Dunzenheimer Chronik de la ville de Strasbourg, on trouve à la page 356, l'inventaire des pièces trouvées le 18 juillet 1588 dans les 3 sacs. Il y a 44 rubriques et on compte 63 différentes pièces dont voici 4 d'entre elles : - une grande statue de Marie, avec un chaine en or et une couronne, tenant dans ses bras une statue en argent de l'enfant Jésus, lequel porte une bijou au cou, avec de belles pierres, pèse 80 Mark. - un St-Laurent en argent sur une grille en or, avec des pierres, 80 Mark. - un St-Jean, sur une clé en or, avec des pierres précieuses, 56 Mark. - un agneau devant une statue de Marie, d'un coté Jean le Baptiste, de l'autre l'évangéliste, aussi 3 anges, chacun avec un encensoir, tous en argent, et dorés avec des ducats en or. Les autres pièces étaient des crucifix, des ostensoirs, des calices, des ciboires, des encensoirs, etc. »
- Archives municipales de Strasbourg
Cote : AMS V 91/1
1588 : Liste des objets précieux dont se compose le trésor du Grand Chapitre. 1 p(ièce).
Littérature : « Le grand chapitre de la cathédrale était propriétaire d’un trésor à la cathédrale. Voici qu’en 1588, on retrouve de fort belles pièces dans un poulailler du Bruderhof (réf : AMS V 91/1), le centre administratif du grand chapitre. Cet inventaire est dressé par les autorités de Strasbourg sous l’autorité du conseil des XV. Le chanoine Hermann Adolf, comte de Solms, se fait remettre tous ces ornements et pièces d’orfèvrerie, sauf « ein silbern kän übereinander, so unden am fues, Bockh unnd Andlaw wappen hatt. Item ein anter kleiner silbern kän, mit Böckhlins wappen, Item ein silberne grosse ganze vergultte kän mit Bockh unnd Andlaw wappen. Item ein altte silber, kän, mit Milnheim und Andlaw wappen. Item eilff silbere hoffbecher mit vergultten rauffen. »
Page suivante, la traduction du récit de la confession du fontainier Jean Koenigolt, recueillie par le frère Cyrille, capucin. Où l’on constate le serment que le fontainier avec fait avec le chancelier du Grand Chapitre en cas de découverte du souterrain et du trésor.
Le trésor caché dans un souterrain près du Haut-Barr
AD67 – 100 J 125 . Traduction :
« Attestation du Maître Jean Königolt de Masevaux, mineur et bourgeois de la ville de Saverne, qu'il donna à moi, Frère Cyrille, capucin de Molsheim, en tant que son confesseur, à l’article de la mort, à Ober Baden [Baden, en Argovie, Suisse] le 16 août de l’an 1642 concernant un lieu et une voute sous terre près de Saverne dans lequel fut caché un remarquable trésor, et se présente comme suit,
Tout d'abord, le précité Maître Jean atteste et témoigne qu'avant l'invasion suédoise, il a fait serment à Messire le Chancelier et Conseiller du Grand Chapitre de Strasbourg, pour ce lieu ou souterrain dans lequel il s’était personnellement rendu seul, qui conservait un grand trésor, de ne le révéler à personne - sauf à l’article de la mort - à son confesseur et c’est ce qui s’est ainsi passé avec moi le 16 août,
Et rapporte qu'à Saverne dans le centre ville, près du château-bas entre le jeu-de-paume et la mare, à 12 toises ou plus de là, il existe un endroit sous terre d’une profondeur de 20 toises environ construit en colimaçon, lorsque l’on descend la dite profondeur du fossé, on arrive au niveau des jardins seigneuriaux où l’on rencontre un souterrain de 6 pieds de large, dans lequel on peut facilement se retourner, on se retourne et on fait comme si on entrait par la grande porte du château, cela conduit à un endroit assez éloigné jusqu’au niveau la Porte-Haute de la ville puis cela bifurque et on arrive directement au niveau de la Tour Carrée du château-bas. Dans les fondations de la Tour, on trouve deux pierres qui ferment le souterrain; on les retire et on se dirige ainsi loin sous le sol en direction d’un lieu qui amènera ensuite au Haut-Barr, là où le Révérend Père Didacus, franciscain à Saverne et chapelain du Haut-Barr, a sculpté lui-même son nom sur un rocher avec le millésime, de telle sorte qu’on appelle maintenant cet endroit - parce qu’il y a là un rocher - le tombeau du Révérend Père Didacus, là cela remonte et on arrive vers le village de Haegen presque au milieu du château de Wangenburg [Grand-Geroldseck] - dans la cour du Wangenburg [Grand-Geroldseck] se trouve l'entrée et la sortie du souterrain - puis de là tout droit à travers la montagne jusqu'au Haut-Barr, là on y trouve encore deux petites pierres, et il y a de la terre près de 7 toises de fossé d’où l’on peut sortir et entrer, l’allée est taillée dans le roc et si large que 3 personnes peuvent marcher côte-à côte, et presque au milieu de l'allée, il y a comme une petite chapelle ronde creusée, dans laquelle il pend au sommet une grande corne de licorne de 5 pieds de long et grosse comme une tête, devant à la pointe un verre à boire, le tout fixé par une grande chaîne en or à 3 endroits, qu'il toucha ensuite lui-même, à cet endroit sont encore accrochées beaucoup d’autres choses, par exemple des ballotins enveloppés dans du tissu, qu'il n'a pas pu découvrir car il avait le temps trop court et par manque de lumière il dût rebrousser chemin. Dans ladite chapelle il a vu 4 ou 5 petites voûtes taillées dans la roche ou encore des meubles en niche avec des portières faites en alliage de cloche [le matériau] de 2 pieds de large et comme elles étaient fermées à clé il n’a pas pu les ouvrir, il pense qu'il y avait là de l’or et des pierres précieuses, il a rebroussé chemin pensant alors pouvoir rapidement revenir par la suite. Ce qu'il a vu, il l’a établi à Messire Jean Reinwald, secrétaire de son Altesse Sérénissime princière l’Archiduc Léopold et à Messire Charles Neirlingen receveur épiscopal à Saverne, qui sont vivants et pourront témoigner, que Maître Jean était dans le souterrain, tel que rapporté à eux, et que si la guerre n’avait pas éclaté et l’obligé à fuir de Saverne, il aurait, avec l’aide de Dieu, fait sortir tout cela. Tout ceci j’ai, ainsi que M. Christian Mayer, lorsqu'il était avec lui pour les Saints Sacrements et 3 jours avant sa mort, de sa bouche comme il est écrit ci-dessus, entendu. A Baden le 16 août de l’année 1642 ./.
Frère Cyrille Capucin de Molsheim, confesseur et témoin de ce qui m’a été rapporté Emplacement du sceau [L.S.]
Jean Chrétien Meyer Lucerne, coadjuteur à Baden, témoin comme ci-dessus »
***Merci pour ce travail de recherche par Mr Fabien Fisher :
Fabien FISCHER
2 Rue des Hêtres
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Siret : 87813426100014
Site : https://www.dvoile-genealogie.com/
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